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Séverine Bourrier, viticultrice bio
Article mis en ligne le 1er avril 2010
dernière modification le 23 mai 2023
Séverine Bourrier : Le château de l’Ou – Des vins de femme bio
 
Le château de l’Ou, au pied des Pyrénées est un domaine viticole bio tenu par un couple secondé par deux employés permanents et des saisonniers réguliers lors des vendanges. Lui, Philippe Bourrier s’occupe principalement du travail de la vigne. Sa femme Séverine, outre la commercialisation, fait la vinification, les assemblages et tout le travail de chais. Elle nous conte l’histoire d’une réussite qui va jusqu’au Japon.
 

Franc-Parler : Depuis quand êtes-vous à la production bio et pourquoi ce choix ?
Séverine Bourrier : Ça fait 11 ans qu’on a racheté le domaine et donc, que nous l’avons immédiatement converti en agriculture biologique. Voilà, 11 années déjà. Déjà par conviction parce que nous sommes des gens attentifs à l’environnement et puis parce que mon mari avait pendant 10 ans, au Brésil, travaillé avec ce type d’agriculture. On étaient certains que par rapport à l’environnement des Pyrénées-Orientales, au climat que nous avons ici, c’était tout à fait possible et réalisable de produire de la vigne en agriculture biologique. Nous avons fait ce pari à l’époque et nous pouvons dire aujourd’hui que ça fonctionne sans problèmes.
 
Franc-Parler : Concrètement, au niveau du travail, que faites-vous ?
Séverine Bourrier : Écoutez, au niveau du travail, on fait ce que font tous les vignerons classiques ou non : les travaux habituels de taille, de labour, ce que faisaient nos grands-pères et nos grands-mères avant. Avant d’avoir des désherbants chimiques, on labourait avec des chevaux, avec les bœufs. Nous, c’est le tracteur qui a pris le relais et nous travaillons nos rangs et entre les rangs de façon à ne pas avoir d’herbes puisque nous faisons face à une concurrence végétale importante. Nous ne voulons surtout pas d’herbes entre les vignes, en tout cas le moins possible, Ça met vraiment en concurrence la vigne et nous manquons d’eau. Après, ce sont des traitements uniquement à base de soufre et de cuivre, de bouillie bordelaise et de bouillie nantaise puisqu’on n’a rien trouvé d’autre pour l’instant de plus naturel que du soufre issu de mines de soufre et du cuivre issu de mines de cuivre tout simplement. Voilà, c’est vrai que ce sont les deux seules armes que nous ayons et puis après, nos mains évidemment pour nettoyer le pied, pour faire les travaux en vert classiques, d’épandage, d’attachage etc.
 

Franc-Parler : Vous faites également les vendanges à la main…Pourquoi, alors que nous avons de belles machines toutes modernes ?
Séverine Bourrier : Oui, tout à fait, les 45 hectares du domaine sont vendangés uniquement à la main. De belles machines modernes qui fonctionnent très bien au demeurant mais qui ne sont pas adaptées du tout à notre activité pour deux raisons. D’abord parce que c’est un vignoble qui est très vieux et qui a été formé à la base pour être travaillé avec tout sauf avec une machine. On a des gobelets, des pieds qui sont fragiles, qui ont un certain âge maintenant et dans lesquels on ne peut pas faire passer de machines parce qu’on casserait tout. Et ensuite parce que c’est un souhait que nous avons de pouvoir vendanger à la main pour pouvoir trier le raisin éventuellement quand c’est nécessaire. La main humaine voit des choses que la machine ne voit pas, pour nous, c’est capital.
 
Franc-Parler : Quels sont les cépages que vous utilisez ?
Séverine Bourrier : On a des cépages vraiment issus de la région : les grenaches noirs, les grenaches blancs, le mourvèdre, la syrah, ce sont des cépages qui sont d’ici, adaptés au milieu méditerranéen. C’est fondamental d’autant que ces quatre dernières années nous souffrons d’un manque d’eau terrible. Il nous faut des cépages qui soient vraiment habitués à la sécheresse et qui soient habitués au climat méditerranéen. Donc, il est absolument proscrit par exemple de venir planter du pinot noir chez nous, ça serait une aberration agronomique de le faire, quelque chose qui ne serait pas viable du tout.
 

Franc-Parler : Gault Millau vous a récompensés puisque vous entrez dans leur guide de vins…
Séverine Bourrier : Oui, nous avons été révélés comme le meilleur vigneron du Languedoc-Roussillon, sur le guide 2010, la révélation de l’année. Chaque année, il attribue un prix à un vigneron par grande région viticole, il y en a plus d’une douzaine et nous représentons le Languedoc-Roussillon. C’est vrai que c’est une très très belle récompense pour nous, une belle reconnaissance qui met en avant tout le travail que l’on a fait depuis 11 ans.
 
Franc-Parler : Ils ont reconnu lesquels de vos vins et pour quelles qualités ?
Séverine Bourrier : C’est la cohérence de la gamme qui a éte reconnue. ça passe sur plusieurs qualités de vins chez nous, par le blanc, le rosé, le rouge et une cuvée qui s’appelle Infiniment, qui est une cuvée en 100% syrah. Ils ne ciblent pas un seul produit, ils vérifient que l’ensemble de la production, en tout cas la quantité la plus importante produite est cohérente et cela a été notre cas.
 

Franc-Parler : Quelles sont les saveurs développées par cette gamme de vins et en quoi conviennent-ils aux tables japonaises ?
Séverine Bourrier : Si j’en crois les clients et le nombre d’amis japonais que j’ai pu visiter il y a deux ans et que je vais à nouveau revoir dans peu de temps, je crois que ce qui les a séduits chez nous, dans nos vins, c’est la finesse et l’élégance que je tâche à employer. C’est vraiment de travailler sur le fruit, allier beaucoup de fraîcheur, de finesse. Je n’aime pas les vins qui soient asséchants, déséquilibrés, qui soient trop heurtants. C’est certainement lié à mes qualités de femme, donc de pouvoir et surtout d’essayer d’accéder à un vin que je trouve séduisant. Pour moi, le leitmotiv de la gamme, ce qu’on retrouve dans chacun de nos vins, ce sont la finesse des tanins, la fraîcheur, beaucoup de fruits. Ce sont des choses que j’essaie vraiment d’appliquer dans chacune de mes cuvées, essayer de travailler le plus possible sur l’expression du fruit. Je pense qu’un vin doit avant tout avoir pour but de faire plaisir à celui qui va le boire et ne doit en aucun cas le heurter, le déranger par une structure trop agressive. On est dans un climat qui est très chaud, qui fait des vins chaleureux mais parfois peut-être un peu trop donc il faut garder de la fraîcheur. Il faut savoir ne pas trop extraire parce que sinon on fait des vins qui sont difficiles pour nos consommateurs à aborder. Donc, voilà un peu ce qui va qualifier mon vin, c’est effectivement, on peut dire un vin de femme. C’est ce qui séduit nos clients.
 
Franc-Parler : La consommation de vin diminue en France. Comment ça se passe pour le vin bio ?
Séverine Bourrier : Ce qui se passe quand même, c’est qu’effectivement la consommation de vin diminue mais les gens veulent mieux boire. Donc, on a gagné en qualité de consommation, je crois que c’est aussi fondamental. Tous les vignobles des régions françaises ont fait d’énormes progrès qualitatifs et je pense que les vins bio aujourd’hui sont écoutés, respectés, ce qui n’était pas le cas quand on a commencé. Ça a été très très compliqué d’avoir une oreille à l’écoute de nos vins et les gens ne voulaient pas goûter, ils se demandaient ce que nous faisions. Nous étions des extra-terrestres, à faire des choses comme ça en dehors complètement du cadre habituel. Et puis je suis contente de voir qu’aujourd’hui on a pris conscience de beaucoup, beaucoup de choses. Les gens chez nous se sont beaucoup tournés sur le bio parce qu’ils ont été malheureusement malades et ils s’aperçoivent aujourd’hui qu’ils ingèrent une quantité de choses quotidiennement tant dans leur alimentation que dans ce qu’ils boivent. Et dieu merci, aujourd’hui, on commence, nous, à sentir un renouveau, une nouvelle consommation, de nouveaux consommateurs et j’ai envie de dire : « Eh bien, tant mieux. » On est contents de ne pas s’être trompés. On a la chance d’avoir un peu d’antériorité dans ce domaine.
 
Avril 2010
Propos recueillis : Éric Priou
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