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Bernard Rapp, réalisateur du film Pas si grave
Article mis en ligne le 1er septembre 2003
dernière modification le 25 mai 2023
Bernard Rapp, réalisateur du film Pas si grave
 
Bernard Rapp a été journaliste-présentateur au journal de 20 heures de France 2, puis producteur-animateur de la série de 260 portraits, Un siècle d’écrivains. Son troisième film Pas si grave, sorti le 5 mars en France a été projeté au 11e Festival du film français de Yokohama, le 18 juin dernier. Selon le réalisateur venu le vendre à cette occasion, c’est ’une manipulation comme les films précédents mais sympathique et pour la bonne cause.’
 
© Franc-Parler

Franc-Parler : Pas si grave tranche par rapport à vos films précédents Tiré à part et Une affaire de goût. Pourquoi ?
Bernard Rapp : Parce que d’abord, c’est vrai que mon image est assez collée depuis que je fais du cinéma aux films noirs. Et j’avais envie depuis très très longtemps d’aller raconter des choses qui ne sont pas si légères que cela, puisque ça parle d’un certain nombre de sujets sur lesquels on reviendra. Et qui sont plutôt lourdes puisque cela parle de la difficulté d’être un fils ou d’être des fils, de la difficulté de trouver sa place dans le monde, de la difficulté pour l’un d’entre eux de trouver son identité sexuelle, d’avoir confiance dans ses qualités d’artiste, en l’occurrence de musicien. Je voulais que ça soit traité de manière légère, souriante, lumineuse, optimiste parce que c’est le regard que je peux aussi porter occasionnellement sur ce monde. C’est pour cela que je l’ai appelé, Pas si grave. C’est, j’ai envie de dire, une comédie lumineuse et c’est pour ça que j’ai choisi le sud de l’Espagne. C’est un road-movie où ils partent du nord de l’Europe et ils se retrouvent dans le sud de l’Espagne. C’est une envie ancienne et j’avais commencé à écrire ce scénario avant d’écrire l’adaptation d’Une affaire de goût. Et puis, par ailleurs dans cette histoire, dans ce scénario, il y a beaucoup de choses très personnelles puisque la plupart des situations, même les plus étranges ou surprenantes, sont des situations vraies que j’ai vécues ou dont j’ai été le témoin. Donc, voilà c’est une histoire qui me tenait à cœur depuis très longtemps. Mais au départ, ça part d’une idée très simple qui n’apparaît pas dans le film mais qui sous-tend absolument tout, c’est le thème de la dette, qui est la dette familiale telle que l’a décrite Françoise Dolto. À savoir qu’on a toujours une dette envers ses parents biologiques ou pas biologiques, c’est pareil, mais que cette dette, on n’est pas tenu de la leur rembourser. Mais cette dette, on doit la rembourser à ses propres enfants. C’est une manière de transmettre la dette et le remboursement de la dette. Et j’aime bien l’idée d’un vieux monsieur sur le point de mourir enfin, en tout cas, c’est comme ça qu’on voit les choses, demande à ses enfants de faire une dernière chose pour lui, donc d’être loyaux, de rembourser la dette. En fait, c’est lui qui est en train de leur faire un très beau cadeau. Voilà en gros comment s’est passée l’histoire.
 
Franc-Parler : La gestation de ce film a pris combien de temps ?
Bernard Rapp : Ç’a été très long si l’on imagine que ça fait plusieurs années que je l’ai en tête. En revanche, sa mise en place a été très rapide puisque j’ai écrit le scénario très vite ; j’avais noté plein de choses. J’avais laissé passer le temps et je me suis mis à l’écrire, je l’ai écrit en un mois en gros. L’affaire s’est montée en un an et demi entre la dernière version du scénario et la sortie du film.
 
Franc-Parler : L’Espagne, c’est la chaleur, la lumière mais ça permet également d’introduire des sujets comme la guerre d’Espagne…
Bernard Rapp : C’est pour ça que Pas si grave c’est aussi des sujets lourds effectivement. J’ai choisi la guerre d’Espagne parce que d’abord c’est un sujet qui m’intéresse et que je suis depuis très longtemps. Et c’est l’une des rares tragédies européennes où l’on a vu des gens quitter leur pays très jeunes, ayant vu tellement de combats. Au sein des familles, c’était tellement brutal, tellement violent que beaucoup ont décidé de ne pas retourner chez eux. Et en France, il y a beaucoup de réfugiés espagnols et je me suis inspiré de ceux que j’ai connus pour le rôle de Pablo. L’autre aspect étant que, c’est pour cela que c’est très personnel, j’ai donné à ce personnage beaucoup des attributs de mon propre père qui n’était pas espagnol, mais qui était un genre de constructeur un peu fou, comme l’est le personnage dans le film.
 
Franc-Parler : Je reviens sur l’Espagne. Les réfugiés espagnols avaient été regroupés et parqués en France et on en reparle beaucoup en France actuellement.
Bernard Rapp : Oui, Perpignan, par là. On en reparle très étrangement. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce qu’ils sont moins nombreux ; ils sont vieux maintenant. C’est vrai qu’on en reparle, on en reparle aussi en Espagne. C’est tout à fait nouveau, il y a plusieurs films qui se tournent à la frontière justement. Moi, c’est par le plus grand des hasards puisque je tournais ça depuis très longtemps et c’est un épisode du siècle qui m’a toujours beaucoup troublé. J’ai beaucoup lu là-dessus, j’ai vu beaucoup de documents. La guerre civile est la pire des choses et là c’était vraiment une guerre qui était au sein des familles. C’est-à-dire que les gens se sont retrouvés du jour au lendemain en guerre les uns contre les autres, autour de la table familiale. Mais c’est un des aspects seulement du film.
 
Franc-Parler : L’un de vos personnages dit : « On vit comme des romanos »…
Bernard Rapp : C’est une expression, c’est pour dire que ce sont des enfants qui n’ont pas trouvé leur place et qui sont constamment dans le déplacement. Là où ils sont établis, ils ont une vie qui n’est pas du tout établie. Je cite toujours une phrase que j’aime bien. On dit souvent que les voyages forment la jeunesse. Moi, je pense qu’ils déforment la jeunesse et je pense que c’est beaucoup mieux comme ça. Et j’aime bien l’idée qu’en allant vers un ailleurs qui est celui d’un homme qui n’est même pas leur vrai père, ils vont quand même trouver leur place. Quand on va enquêter sur les gens qu’on aime, on se penche sur ses propres gouffres en définitive, on trouve quelques-unes des solutions de sa vie. Et c’est vrai qu’ils vivent comme des romanos en Belgique et dès qu’ils partent, ils vont trouver leur place dans le monde. Ils ne seront plus les mêmes au bout du fil.
 
Franc-Parler : En quoi les trois frères vous ressemblent-ils ?
Bernard Rapp : J’ai mis un peu de moi dans chacun. J’ai été trompettiste pendant très longtemps, donc j’ai passé la trompette à Romain, je lui ai appris à en jouer, c’était amusant. Il y a certainement de mes terreurs chez les autres aussi, de mes espoirs. Oui, c’est qu’on nourrit des personnages avec beaucoup de choses à soi, mais on est rarement en totalité un des personnages qu’on crée. On n’a pas envie de se montrer.
 
Septembre 2003
Propos recueillis : Éric Priou
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