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Georges Pertuiset, président de l’Union de la sommellerie française
Article mis en ligne le 1er novembre 2002
dernière modification le 25 mai 2023
Georges Pertuiset, président de l’Union de la sommellerie française
 
Georges Pertuiset est originaire de Haute-Savoie, « un grand pays de vin qui s’appelle Évian. » Il faut croire que cela lui a réussi, puisqu’« émigré » en Bourgogne, depuis maintenant plus de 40 ans, il remplit son troisième mandat de président de l’Union de la sommellerie française.
 
© Franc-Parler

Franc-Parler : D’où vous est venue la passion du vin ?
Georges Pertuiset : J’ai travaillé pendant une trentaine d’années dans la restauration. Et puis en 1957-58, j’avais déjà travaillé 2 saisons comme commis-sommelier et je crois que c’est là un petit peu, que j’ai pris le goût du vin. Par la suite, j’ai continué la restauration plutôt en tant que maitre d’hôtel aussi. Et là, je suis venu à Beaune et il n’y avait pas de sommelier, et j’étais responsable des vins. Donc, là aussi, ça m’a accroché un petit peu plus et puis, étant en Bourgogne là ça été facile. Et puis, avec quelques amis, on s’est dit : « C’est dommage que nous soyons en Bourgogne et qu’on ait pas de formation sur le vin », parce qu’à ce moment-là, ça n’existait pas. Avec quelques-uns, on a créé des cours, avec, à ce moment là ça s’appelait le Comité interprofessionnel des vins de Bourgogne, avec la station œnologique, enfin le lycée viticole, parce qu’on avait la chance d’avoir un lycée viticole. Et puis je dois dire que c’est ce qui nous a orientés vraiment vers la sommellerie, parce qu’après on a fait venir des gens des autres régions et on s’est déplacés. Quand on connaît le vin, on est toujours avide de connaître les autres et, petit à petit, on a préparé des concours. C’est comme ça qu’en 80, que je suis arrivé à préparer le concours de meilleur sommelier de France, que j’ai remporté.
 
Franc-Parler : Est-ce que vous continuez à apprendre ?
Georges Pertuiset : J’apprends tous les jours. Chaque fois qu’on goûte du vin, on apprend, mais en même temps, j’enseigne tout ce qui est sommellerie à Beaune pour un diplôme qui s’appelle Brevet professionnel de sommelier. Il y a 4 centres en France qui existent comme ça. Donc c’est le diplôme au niveau le plus élevé pour la sommellerie. Avec les jeunes dans la formation, nous avons 8 semaines de visites en vignoble. Donc, là on apprend toujours chaque année. Parce que chaque année, on fait du vin nouveau et il faut le suivre. Il faut voir les millésimes. Il faut voir les gens qui arrivent, tous ceux qui travaillent bien, parce que comme le vin, c’est un plaisir et plus on prend de l’âge, plus on se dit que c’est préférable de goûter les bons que les autres.
 

Franc-Parler : Il y a combien de personnes formées chaque année ?
Georges Pertuiset : En France, il y environ 50 écoles qui ont une section de sommeliers, qui préparent à une mention complémentaire sommellerie au bout d’un an. C’est-à-dire. c’est une spécialisation dans le vin. Auparavant, c’était plutôt du personnel polyvalent, mais qui avait de bonnes connaissances sur le vin. Depuis une dizaine d’années, on oriente vraiment en sommellerie. Quand on sort avec une mention complémentaire, on n’est jamais qu’apprenti, il faut un peu d’expérience après. Il en sort environ 350 avec une mention.
Le 2e niveau, qui est le Brevet professionnel de sommelier, où là on forme des gens prévus normalement pour être responsables, chefs sommeliers. Ça ne veut pas dire non plus que quand ils sortent avec un diplôme, ils sont chefs sommeliers, mais ça leur permet d’avancer beaucoup plus vite, parce qu’ils ont des bases beaucoup plus solides et plus complètes. On a toujours beaucoup plus d’offres d’emploi que de demandes. Ça veut dire qu’on n’arrive pas à fournir le nombre de sommeliers voulu à la restauration.
 
Franc-Parler : C’est dû à quoi ?
Georges Pertuiset : Peut-être que les restaurateurs l’ont compris, parce qu’au départ, beaucoup ont dit : « On n’a pas les moyens de se payer un sommelier », alors que si vous réfléchissez deux minutes, vous vous apercevez que c’est quand même le poste, par nombre de personnes, qui rapporte 4 fois plus que n’importe quel poste au restaurant, c’est le poste qui est générateur, non seulement du plus de chiffre d’affaire, mais de bénéfice. Ce n’est quand même pas négligeable et puis si vous avez un bon sommelier, vous avez quelqu’un qui peut vous gérer une cave correctement, et ça apporte une plus-value à la maison. Et aussi pour la clientèle, vous mettez en valeur la clientèle.
 
Franc-Parler : Le goût des consommateurs change ?
Georges Pertuiset : Je crois que le goût des consommateurs a changé, oui. Je me souviens au début, les gens qui connaissaient bien le vin étaient des personnes qui avaient des caves chez elles et qui savaient ce qu’était un vin mûr. C’est-à-dire un vin avec 10, 15 ou 20 ans de vieillissement, voire plus. Tandis que maintenant, ça devient difficile.
 

Franc-Parler : Pour quelles raisons ?
Georges Pertuiset : Les gens n’ont pas beaucoup de caves, parce que ça coûte cher. Ça coûte cher aussi d’acheter du vin, de stocker le vin. Donc, on va vers des vins de plaisir immédiat, c’est-à dire des vins qui ont du fruit, de la finesse, quand même. Donc, ce sont des vins faciles à aborder pour tout le monde, mais je crois que plus ça va (on commence toujours comme ça), on aime bien de temps en temps, quand on goûte de grands vins, les goûter à maturité. Goûter un très grand vin, ce n’est pas forcément 15, 20 ou 30 ans qui est important, il y a des vins qui à 3 ans sont très bons, il y en a d’autres où il faut attendre 7 ou 8 ans. Et finalement, ce qu’il y a de plus important, c’est de boire le vin quand on l’aime et de ne pas s’occuper de ce qu’on nous dit, d’essayer de le vieillir à 15 ou 20 ans.
 
Franc-Parler : Pourtant dans les dégustations…
Georges Pertuiset : On ne fait pas assez la différence entre les vins que l’on déguste et les vins que l’on boit en mangeant. Quand on déguste, on garde le vin quelques secondes en bouche. On laisse bien à la bouche le temps de s’imprégner de ses tanins. Quand vous êtes à table, vous ne gardez pas le vin 10 secondes en bouche. Vous le gardez 1 seconde. 3 secondes maximum. Quand je dis 3 secondes, c’est déjà beaucoup. La bouche n’a pas le temps de percevoir tous ces tanins, elle en perçoit une toute petite partie. Si vous ne les avez pas en face d’un plat, les tanins, le vin s’écroule, Ou il passe, il est dominé par le plat. C’est important d’essayer de faire comprendre ça aux gens. Il faut se poser la question. Un vin c’est fait pour être bu et si on n’a pas de plaisir à le boire, eh bien, c’est rapé à mon avis. Si on veut des vins qui soient acceptables par tout le monde, il faut des vins un peu plus souples, plus coulants qui aient du fruit mais qu’on n’ait pas cette impression de mâcher ou de manger un morceau de bois.
 

Franc-Parler : C’est un sujet de controverses…
Georges Pertuiset : Le bois est utile pour les grands vins. On ne peut pas faire de grand vin sans bois, mais maintenant dans tous les pays, même en France, dans les appellations qui ne méritent pas du bois, c’est-à-dire où le vin ne supporte pas le bois, on colle du bois neuf à tout va. Parce que qu’on pense que ce sera meilleur, alors que c’est un goût qui, en mangeant, fatigue. Je suis pour le bois quand il est bien utilisé, si le vin a les épaules pour supporter le bois. Ça doit être un complément d’élevage parce que ça apporte une mini-oxydation, des arômes, un complément de tanins. Ça peut contribuer à la fixation de la couleur. Il y a des éléments très intéressants dans le bois, mais si c’est le bois qui domine le vin, à ce moment-là, on déguste du Nevers, du Tronçais ou des Vosges, mais on ne déguste plus du Bourgogne, ou du Bordeaux, ou de la Vallée du Rhône.
 
Franc-Parler : Et pour le choix des vins au repas ?
Georges Pertuiset : Moi, je suis assez blanc avec tout ce qui est produit de l’eau, si je peux dire. C’est physiologique, ce n’est pas toujours une question de goût, c’est-à-dire que les protéines du poisson s’accordent mal avec les tanins des vins rouges. Alors, si vous avez, ce qu’on appelle des faux vins rouges, des vins rouges qui ont une structure de vin blanc, pas de problème. Par contre, si vous avez des préparations un peu compliquées, avec des sauces, pour que la sauce ne prenne pas sur le goût du poisson ou autre, là il faut accorder avec la sauce. Tirer un accord, c’est facile. Avec un mets puissant, il faut un vin puissant généralement. Avec un mets fin, il faut un vin fin. Avec un plat régional, il faut plutôt des vins rustiques. Pour faire un mariage, il ne faut pas que l’un domine trop l’autre.
 
Novembre 2002
Propos recueillis : Éric Priou
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